Anciens doctorants

Sandra NICOLLE

Les espaces naturels protégés en forêt amazonienne. Des doctrines de gestion aux dispositifs : quelle efficacité pour la protection de l'environnement ? Etude comparative France (Guyane) / Brésil (Amapá).

Thèse soutenue le 24-09-2014

Formation

Recherche : sciences de gestion appliquée à la gestion de l’environnement.

Enseignement : étudiants en formation initiale (Ingénieur AgroParisTech et Master STVE) et professionnalisante (Mastère Spécialisé « Forêt, Nature et Société »)  - cours, TD, encadrement de projets de terrain et tutorat de stages de fin d’étude.

Domaines d'intérêt

Ecosystèmes forestiers tropicaux ; Espaces naturels protégés ; Gestion forestière durable.

Construction et évolution de dispositifs de gestion environnementale. Analyse de leur efficacité.

Terrains 

Amazonie

Activités de recherche

Ancrage théorique : les approches critiques en sciences de gestion

J’analyse des dispositifs publics de gestion environnementale, au travers du prisme des approches critiques en sciences de gestion, qui visent à « déconstruire les techniques de gestion pour montrer tout ce qui en elles relève du social, du politique et du culturel, et que «le grand partage» permettait d’occulter (Latour, 1991)» (Chiapello et Gilbert, 2012, p.244). Comme l’avaient déjà proposé Barbier (1998) et Leroy (2006, 2010), je me focalise pour cela sur l’étude sur des « dispositifs de gestion », qui recouvrent un concept plus large que celui des outils de gestion, et qui spécifient « quels types d’arrangements des hommes, des objets, des règles et des outils paraissent opportuns à un instant donné» (Moisdon 1997). Les arrangements opportuns sont ceux que les acteurs estiment pertinents pour atteindre le résultat recherché. Ces arrangements sont mis en place et reconfigurés en permanence, au regard d’objectifs de gestion visant notamment, dans notre cas, à préserver ou restaurer les écosystèmes. À travers l’analyse des dispositifs de gestion environnementale, ce sont ainsi des logiques spécifiques qu’il s’agit de rendre lisibles. En effet, les dispositifs de gestion ne sont pas neutres : ils sont porteurs de valeurs et de croyances gestionnaires qui en justifient les modes d’action, sans être toujours explicitées ni même perçues (Leroy, 2010).

Ils traduisent d’une part une vision donnée des modalités gestionnaires à mettre en œuvre pour gérer un écosystème et d’autre part des visions spécifiques des qualités désirables que l’on attend pour les écosystèmes.

Cette approche de déconstruction critique des dispositifs est couplée à une volonté d’analyser leurs performances environnementales, c’est-à-dire leur capacité à effectivement maintenir ou restaurer les écosystèmes forestiers. Je mobilise pour cela le cadre de l’analyse stratégique de la gestion environnementale (Mermet et al., 2005).

Objets d’étude : les dispositifs de gestion environnementale

Différents modèles d’espaces naturels protégés français et brésiliens.

Dispositifs de gestion forestière durable.

Action des ONG environnementales et socio-environnementales.

Contact

Projet de thèse 

Les espaces naturels protégés en forêt amazonienne. Des doctrines de gestion aux dispositifs : quelle efficacité pour la protection de l'environnement ? Etude comparative France (Guyane) / Brésil (Amapá)

Résumé

Les espaces naturels protégés sont aujourd’hui à l‘échelle mondiale l’une des principales politiques publiques mises en œuvre pour faire face à la destruction des écosystèmes. Leur nombre a beaucoup augmenté ces dernières années et les modes d’action qu’ils recouvrent se sont considérablement diversifiés. Pour autant, les écosystèmes continuent à se dégrader, et l’efficacité de ces dispositifs est souvent remise en cause. Cette thèse vise à analyser les facteurs influant sur l’efficacité des espaces protégés pour la conservation d’écosystèmes amazoniens encore peu dégradés. Elle étudie pour cela la mise en œuvre de dispositifs relevant de doctrines de gestion de l’environnement différentes, basées sur (i) la limitation réglementaire maximale des activités humaines impactantes pour les écosystèmes, (ii) la gestion des ressources par des populations locales ou traditionnelles ou (iii) la mise en place d’une gestion forestière durable sur des terres publiques. Nous nous plaçons dans une posture comparative entre la Guyane (France) et l’Amapá (Brésil), territoires partageant une frontière commune, principalement matérialisée par le fleuve Oyapock. La comparaison internationale entre ces deux régions présentant une couverture exceptionnelle en espaces protégés, dans des conditions écologiques et géographiques relativement similaires, nous permet d’observer l’influence du contexte historique et sociopolitique sur les modes de prise en charge de la gestion de l’environnement par les aires protégées. Nous nous sommes basés sur une approche constructiviste, appuyée sur une production de données principalement qualitatives (entretiens semi-directifs, analyse de documents, observation participante...). Nous avons ainsi procédé à une déconstruction critique des dispositifs «aires protégées», permettant de mettre en lisibilité les enjeux environnementaux qu’ils portent, et d’analyser l’efficacité environnementale des stratégies mises en œuvre. Cette analyse s’est articulée autour d’une lecture à la fois diachronique et multiscalaire des processus de gestion.
Nous montrons que la mise en place des espaces protégés de Guyane et d’Amapá a été portée par des coalitions d’acteurs structurées autour de doctrines de gestion, c’est à dire de conceptions partagées des conditions de mise en œuvre d’une «bonne gestion environnementale». Les dispositifs créés ont hérité des ressources stratégiques d’action et de la légitimité de ces coalitions. Les coalitions porteuses de la création des espaces protégés en Amapá sont fortement articulées aux mouvements sociaux et environnementaux plus généraux de l’Amazonie brésilienne, notamment pour les revendications socio-environnementales émergeant à la sortie de la période dictatoriale. En Guyane française, les espaces naturels protégés sont principalement la résultante de compromis entre d’une part une volonté d’exemplarité de l’action de la France en Amazonie, et d’autre part une recherche de minimisation des conflits avec les acteurs politiques locaux.
Dans les deux cas, les aires strictement protégées sont investies de cadres législatifs solides, mais de relativement peu de moyens humains. Elles représentent des superficies plus importantes en Amapá qu’en Guyane, mais les stratégies de gestion mises en place sont similaires. Les aires protégées créées au bénéfice des populations locales, résultant des mouvements socio-environnementaux des années 1980-1990, reconnaissent plus clairement au Brésil les compétences gestionnaires de ces populations. En Guyane, l’autonomie gestionnaire de ces populations est peu portée par les aires protégées, car la spécificité «amérindienne» entre en contradiction avec la constitution. En revanche, la gestion forestière durable des espaces publics est plus outillée et prudente en Guyane, au travers de l’action de l’État central porteur des logiques historiques de la gestion forestière française, qu’elle ne l’est en Amapá, où un système de concessions forestières publiques vient tout juste d’être mis en place.
Les types de stratégies de gestion mis en œuvre dans les espaces protégés dépendent fortement de la doctrine gestionnaire mobilisée et des ressources disponibles (lois, ressources humaines et financières, partenariats, données,...) héritées de la phase de mise en place des dispositifs. Elles évoluent néanmoins dans le temps pour répondre à des changements du contexte, ou s’adapter à l’entrée de nouveaux acteurs dans les coalitions. Les performances environnementales concrètes des espaces protégés sont la résultante (i) de la structuration du dispositif et des enjeux qu’il porte, largement liés aux coalitions ayant conduit à sa mise en place ; (ii) des ressources (ressources techniques, alliances...) mobilisables (et mobilisées) ; (iii) des stratégies de gestion mises en œuvre ; et (iv) de l’intensité des pressions auxquelles les écosystèmes sont soumis.
Nos analyses font ressortir de grandes logiques stratégiques propres aux contextes nationaux. Au Brésil, les ONG d’environnement jouent un rôle important, en permettant de maintenir une pression sur l’État et en soutenant ainsi l’action des services publics porteurs des questions environnementales. En Guyane, les enjeux environnementaux sont principalement pris en charge par les services ou établissements publics en charge de ces questions, ce qui leur confère des moyens plus importants, mais limite les ressources externes pour les négociations intersectorielles. Dans les deux cas, on observe un glissement progressif des revendications environnementales vers une logique d’intégration des enjeux environnementaux et socio-économiques.
Finalement, la mise en œuvre conjointe des différentes aires protégées sur les territoires permet, non pas la «mise sous cloche» des ressources et des territoires, mais avant tout l’émergence de propositions alternatives de gestion territoriale allant à l’encontre des modèles de développement destructeurs prévalant aujourd’hui.

Accéder au pdf de la thèse : http://www.theses.fr/2014AGUY0744

Soutenance

Thèse soutenue le 24 septembre 2014 devant le jury suivant :

  • Mme Florence PALPACUER, Université de Montpellier, Rapporteur
  • M. Hervé THERY, CNRS/ Université fédérale de São Paulo, Rapporteur
  • M. Eric MARCON, AgroParisTech, Examinateur
  • M. Gutemberg VILHENA SILVA, Université fédérale d'Amapá, Examinateur
  • Mme Françoise GRENAND, CNRS, Directrice de thèse
  • Mme Maya LEROY, AgroParisTech, Co-directrice de thèse

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